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Indemnité d’éviction : seul l’usufruitier en est redevable

Civil - Immobilier
19/12/2019
En cas de refus de renouvellement du bail, c’est l’usufruitier qui a seul la qualité de bailleur. L’indemnité d’éviction est dès lors à sa charge.
Le 5 mars 2004, l’usufruitière et la nue-propriétaire, d’un immeuble à usage commercial ont délivré aux preneurs, un refus de renouvellement du bail sans indemnité d’éviction, lequel, par arrêt du 20 février 2008, a été déclaré sans motif grave et légitime.

Les juges du fond ont condamné in solidum l’usufruitière et la nue-propriétaire à payer l’indemnité d’éviction due aux preneurs. Selon eux, l’usufruitière et la nue-propriétaire ayant, ensemble, fait délivrer un refus de renouvellement, elles sont toutes les deux redevables de l’indemnité d’éviction dès lors que l’acte de refus de renouvellement excède les pouvoirs du seul usufruitier.

C’était sans compter sur les articles 595, alinéa 4 du Code civil et L. 145-14 du Code de commerce et l’application qui en est faite par la Cour de cassation.

En effet, aux termes du premier de ces articles, « l'usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail (…) un immeuble à usage commercial (…). À défaut d'accord du nu-propriétaire, l'usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul cet acte ».

Dès lors, comme le souligne la Cour de cassation, l’usufruitier ne peut pas non plus renouveler le bail commercial sans le concours du nu-propriétaire, en raison du droit au renouvellement du bail dont bénéficie le preneur même après l’extinction de l’usufruit (Cass. 3e civ., 24 mars 1999, n° 97-16.856, Bull. civ. III, n° 78).

En revanche, rappellent les Hauts magistrats, l’usufruitier a le pouvoir de mettre fin au bail commercial et, par suite, de notifier au preneur, sans le concours du nu-propriétaire, un congé avec refus de renouvellement (Cass. 3e civ., 29 janv. 1974, n° 72-13.968, Bull. civ. III, n° 48 ; Cass. 3e civ., 9 déc. 2009, n° 08-20.512, Bull. civ. II, n° 270).

En conséquence, en cas de refus de renouvellement, c’est l’usufruitier seul qui a la qualité de bailleur. C’est lui qui assume toutes les obligations à l’égard du preneur et, notamment, le versement ou non de l’indemnité d’éviction due en application de l’article L. 145-14 du Code de commerce. Celle-ci est à sa seule charge (v. aussi, CA Paris, ch. 16, sect. A, 18 févr. 2009, n° 08/02599).

Et en condamnant la nue-propriétaire in solidum avec l’usufruitière, alors que l’indemnité d’éviction n’était due que par celle-ci, la cour d’appel a violé les textes visés.

Sur les débiteurs de l’indemnité d’éviction, v. Le Lamy Baux commerciaux, n° 420-11.
Source : Actualités du droit