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Contrat de droit privé conclu entre deux sociétés sur fond de DSP : compétence du juge judiciaire

Public - Droit public général
Civil - Contrat
14/06/2018
Dans un arrêt du 6 juin 2018, la Cour de cassation affirme que le contrat de droit privé conclu entre deux sociétés relève de la compétence du juge judiciaire, même lorsque ce contrat avait été souscrit en vue de l’exécution d’une convention de délégation de service public (DSP) conclue par l'une des sociétés avec une communauté d’agglomération.
Suivant convention de DSP, une communauté d’agglomération a confié à une société la gestion et l’exploitation du réseau de transport public urbain. Cette société a ensuite conclu avec une autre société (le fournisseur) un contrat de vente de gaz naturel véhicule, en vue de l’alimentation des autobus mis à sa disposition par la communauté d’agglomération. Cette dernière ayant décidé de procéder au remplacement des autobus par des véhicules hybrides, la société a indiqué au fournisseur que le contrat était devenu caduc par l’effet de cette décision.

Le fournisseur a saisi la juridiction judiciaire afin d'obtenir réparation du préjudice résultant, selon lui, de la résiliation anticipée du contrat. Soutenant que celui-ci constituait l’accessoire de la convention de DSP, la société a soulevé une exception d’incompétence au profit de la juridiction administrative.

Les premiers juges ont donné raison à la société, en affirmant que le contrat de droit privé, indispensable à la bonne exécution de sa mission de service public par la société, et souscrit par elle dans le seul cadre de cette mission, constitue l’accessoire de la DSP. La cour d’appel a néanmoins retenu une solution contraire, contre laquelle la société forme un pourvoi en cassation.

Accessoire de la DSP ?

Selon la Cour de cassation, l’arrêt de la cour d’appel énonce, à bon droit, que les contrats conclus entre personnes privées sont en principe des contrats de droit privé, hormis le cas où l’une des parties agit pour le compte d’une personne publique, ou celui dans lequel ils constituent l’accessoire d’un contrat de droit public.

La cour d’appel a ensuite relevé quatre éléments permettant d’affirmer que le contrat n’est pas l’accessoire de la convention de DSP :
 bien qu'il existe un lien étroit entre le contrat privé et la convention de DSP, ces deux contrats portent sur des opérations distinctes, le premier ayant pour objet la vente d’une énergie et le second, le service public des transports collectifs ;
 le fait que le contrat de vente ait été conclu près de six mois après la convention de DSP révèle une absence d’automaticité des signatures, de sorte qu’en contractant avec le fournisseur, la société a choisi celui qui lui semblait proposer la solution la plus adaptée à ses besoins, afin de pouvoir répondre aux engagements qu’elle avait souscrits à l’égard de la communauté d’agglomération ;
 les parties au contrat de vente n’ont pas entendu faire correspondre sa durée avec celle de la convention de délégation de service public, celle-ci ayant initialement été consentie pour une durée de six années et le contrat de vente ayant été conclu pour une durée de quinze années ;
 aucune disposition du contrat ne prévoit la faculté pour la société d’exciper de la résiliation de la convention de délégation de service public.

La Cour de cassation confirme cette argumentation. Le contrat de vente conclu entre les deux sociétés n’est pas l’accessoire de la convention de DSP consentie par la communauté d’agglomération à la société. Il en résulte que le juge judiciaire est compétent pour connaître du litige.
Source : Actualités du droit