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La communication des fadettes à l’Autorité de la concurrence : un accès aux données de connexion des personnes suspectées de pratiques anticoncurrentielles

Affaires - Droit économique
06/12/2019
Le décret n° 2019-1247 du 28 novembre 2019 relatif à la procédure de communication des données de connexion précise les modalités d’application de l’article L. 450-3-3 du Code de commerce qui permet à l’Autorité de la concurrence d’avoir accès aux données de connexion.
Rédigé sous la direction de Claudie Boiteau, en partenariat avec le Master Droit et régulation des marchés de l’Université Paris – Dauphine

Depuis le 30 novembre 2019, l’Autorité de la concurrence peut accéder aux fadettes des personnes faisant l’objet d’une enquête sur d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles. 

Abréviation de « facture détaillée », la fadette ne doit donc rien à George Sand ! Elle correspond aux données conservées et traitées par les opérateurs de télécommunication. En y ayant accès, l’Autorité de la concurrence sera informée des données de connexion, notamment des personnes qui ont été appelées, de la date et de l’heure de l’appel, sa durée et sa localisation géographique et des données de facturation, comme les coordonnées bancaires.

L’accès aux fadettes est soumis à l’autorisation préalable du contrôleur des données de connexion, qui est un contrôleur indépendant de l’Autorité de la concurrence, alternativement membre du Conseil d’État et magistrat de la Cour de cassation. L’autorisation préalable est obtenue par l’Autorité de la concurrence à la suite d’une demande motivée d’accès aux données.

Le décret n° 2019-1247 précise les éléments devant figurer dans cette demande, par l’insertion des articles R. 450-4 et suivants du Code de commerce. De manière non exhaustive, la demande doit comprendre l’identité des personnes suspectées, le type de données demandées ou encore les éléments de fait et de droit permettant de justifier cette demande. 

Le texte dispose également que l’Autorité de la concurrence doit mettre en place des modalités permettant de garantir la confidentialité des données transmises, notamment lorsqu’elle adresse sa demande d’autorisation d’accès aux données de connexion ou lorsqu’elle conserve les données recueillies. Une des dispositions du présent décret précise à cet égard que « les données transmises par les opérateurs de télécommunication sont recueillies et conservées, jusqu'à leur destruction, selon des modalités propres à garantir leur confidentialité ». 

L’accès aux fadettes par l’Autorité de la concurrence pose la question de sa conciliation avec le droit au respect de la vie privée des personnes suspectées de pratiques anticoncurrentielles. Lors de l’examen de la loi Macron en 2015 (L. n° 2015-990, 6 août 2015, JO 7 août), le Conseil constitutionnel a jugé qu’un pouvoir d’accès aux données de connexion, démuni de garanties, était contraire au droit au respect de la vie privée (Cons. const., 5 août 2015, n° 2015-715 DC, points 134 et suivants). L’introduction de ce pouvoir dans le cadre de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises (L. n° 2019-486, 22 mai 2019, JO 23 mai, art. 212, dite « loi Pacte ») n’a été possible que dans la mesure où des gardes fous ont été associés à ce pouvoir d'enquête, en particulier l’autorisation préalable du contrôleur indépendant pour avoir accès aux données de connexion. 

Les précisions sur le contenu de la demande permettent de rendre effectives les dispositions de l’article L. 450-3-3 du Code de commerce. Il conviendra de porter une attention particulière aux prochaines enquêtes/décisions de l’Autorité de la concurrence pour voir comment l’Autorité motivera ses demandes et quelles seront ses relations avec le contrôleur des données de connexion. 


Marie-Alice BERTÉ
Louis GRALL
Source : Actualités du droit